vendredi 27 juillet 2018

Redonner : La malédiction de Carcajou

Après la sortie de L'envol du pygargue, je me suis permis une pause d'écriture, puis je me suis essayé à différents projets pour adulte que j'ai fini par abandonner.

L'écriture est faite de tâtonnement.

Écoutant le conseil d'André Carpentier (il faut éviter de se répéter!), j'avais décidé de ne plus écrire sur les Amérindiens. Je ne voulais pas être associé à une thématique unique.

J'enseignais toujours à Manawan et j'étais impliqué dans la coordination du plan de réussite de l'école. C'est au cours des discussions sur la littératie et la place donnée à la culture atikamekw dans les programmes d'enseignement que m'est venue l'idée de publier une légende.

Il faut dire que le texte du Carcajou, je l'enseignais à mes élèves depuis quelques années. Et chaque fois, j'étais surpris de voir comment la vaste majorité d'entre eux (pour ne pas dire la totalité!) n'en avaient jamais entendu parler. Comment se faisait-il que moi, prof de français de secondaire 3, je connaissais ce texte et pas eux? Cette histoire, pourtant, avait été colligée en 1928 auprès des Atikamekw de Manawan-même! Elle était donc issue de la culture de ces adolescents, mais avait été oubliée par la plupart des aînés, qui ne la racontaient plus.

Il faut dire que le texte avait été rédigé seulement dans sa version traduite : en français. Seuls ceux qui en connaissaient l'existence y avaient accès.

Toujours par souci de littératie et de passage de culture, je me suis questionné sur l'origine des histoires que les parents lisaient à leurs enfants le soir, au moment du coucher et j'ai eu un choc : rien ne provenait de leur propre terreau culturel! Pire, rien n'existait dans leur langue! Pas étonnant que la lecture soit perçue comme une activité étrangère!

J'ai alors songé qu'une des solutions à ces deux problèmes était l'édition d'un nombre suffisant d'albums illustrés dans la langue d'origine de cette nation autochtone.

Il y avait moyen de remédier à ça.

Je me suis donc empressé de rédiger une version au goût du jour de la version écrite d'origine du conte et j'ai trouvé un traducteur ainsi qu'un illustrateur. Je savais que les Éditions du soleil de minuit publiaient leurs albums en version bilingue; le texte pourrait en conséquence être lu en atikamekw et, du même coup, être réappris par la nation qui en était à l'origine!

C'est ainsi que ce livre a vu le jour. J'ai hésité longuement avant de mettre mon nom sur la couverture, mais on m'a convaincu de le faire, pour des raisons commerciales.

Aujourd'hui, le texte est enseigné dans les école primaires atikamekw et, pour les enfants de Manawan, je suis devenu une sorte de vedette. C'est drôle, il s m'interpellent comme un des leurs et me comblent de compliments. Je suis, pour eux, une sorte de Justin Bieber des livres!

Anecdote sur le titre:

L'utilisation de l'article "de" plutôt que "du" vise à rappeler que, dans la tradition autochtone, les animaux et les humains ont la même origine. Les animaux ont tous déjà été des êtres humains. Carcajou est donc le nom du personnage humain et non celui de l'animal.

Si ce livre vous intéresse, vous pouvez vous le procurer en cliquant ici.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Tout commentaire jugé diffamatoire ou désobligeant sera supprimé.