lundi 30 janvier 2017

Niska en tête des ventes des Éditions du soleil de minuit!

Un matin du printemps 2015, au lendemain de la divulgation du rapport de la commission de Vérité et réconciliation sur les pensionnats autochtones, une exaction organisée par le gouvernement canadien et qui a duré pendant un siècle, j’ai reçu un message de mon éditrice. Elle voulait que j’écrive un roman sur le sujet. En effet, au cours de cette période, ce sont 150 000 enfants qui ont été arrachés — avec une violence plus ou moins féroce — à leur famille. Les conséquences de cette politique, les Amérindiens les subissent encore de nos jours.

Il s’agit d’un sujet délicat pour lequel il serait facile de tomber dans le sensationnalisme, panneau où d’autres auteurs sont déjà tombés, d’ailleurs. Or, le sensationnalisme nourrit les clichés et je déteste les clichés; je préfère de loin les nuances.

J’ai d’abord refusé. Je ne voyais pas comment traiter ce sujet sans sombrer dans l’apitoiement ou les accusations.

Mais j’ai promis d’y réfléchir.

Je l’ai dit dans quelques billets et je le répète, le sujet qui m’interpelle dans l’écriture, c’est l’être humain. Je n’écris pas simplement pour divertir (notez bien que j’essaie tout de même d’être divertissant!), je le fais pour vivre et faire vivre une expérience humaine. Et je ne suis pas dans l’aveuglement de la bonté des humains ni dans la croyance de leur méchanceté. Le manichéisme, très peu pour moi. Je vois de l’humanité même dans les plus atroces injustices et il y a de la crasse partout où il y a de l’hommerie, j’en suis bien conscient. Nous sommes capables, en tant qu’espèce, du meilleur comme du pire, notre planète se charge bien de nous le rappeler.

Mais comment montrer l’humanité du bourreau sans pour autant en faire l’apologie? Ou mieux encore : comment le faire sans excuser l’exaction commise?

Voilà tout le travail qui me préoccupait durant ma réflexion.

J’ai fini par trouver l’angle, une image toute simple, mais lourde d’évocation, qui me permettrait d’éviter le larmoiement, la pitié, de pointer du doigt.

Dans mon histoire, les bourreaux ont le sourire. Mes gentils ont leurs torts. Tous font des victimes à cause d’une situation que ni les uns ni les autres ne contrôlent. Des méchants de bonne foi, des gentils qui trahissent par naïveté ou par sens du devoir... Il me fallait marcher sur un fil tendu et, à la manière du funambule, ne fléchir ni d’un côté ni de l’autre.

La difficulté était grande. J’étais sans cesse confronté au choix des mots et de l’angle à prendre pour traiter des situations que je mettais en scène. C’est sans aucun doute l’aspect que je préfère dans mon travail, mais c’est également ce qu’il a de plus éreintant. Trouver la façon d’attaquer, de produire l’effet escompté en mesurant les silences, en ajustant la longueur d’une phrase, en produisant des images. Ça ralentit le rythme de rédaction, ça augmente l’angoisse liée à l’écriture, ça force l’empathie, ça ébranle et ça demande qu’on se maintienne en équilibre sur le fil narratif qu’on a pris soin de tendre entre le sujet et le lecteur.

Aujourd’hui, Niska a pris son envol. Malgré une visibilité mitigée, il s’est hissé en tête du palmarès des ventes des Éditions du soleil de minuit et je reçois des commentaires de lecteurs qui me donnent raison de ne pas avoir suivi ma première idée. Même si les critiques sont rares, elles sont toutes élogieuses. Bref, ce livre trouve un peu plus de légitimité chaque jour et il remplit son auteur de fierté.

jeudi 12 janvier 2017

Critique de "Niska" parue dans le numéro de Lurelu d'hiver 2017

Vous connaissez Lurelu?

Il s'agit d'une revue très sérieuse et drôlement bien faite dédiée à la littérature pour la jeunesse. On y trouve des critiques (sans complaisance!), des suggestions de lecture, des dossiers thématiques, des chroniques, bref, toute une panoplie de textes intéressants. 

En tout cas, une fois de plus, merci Lurelu d'avoir pris le temps de me lire!

Dossier de presse

La clé de la nuit
Critique
Choisir un livre

L'envol du pygargue
Critique
SDM - Bibliom@nes
Journal L'Action, 10 mars 2010.

« Son œuvre est une déclaration d’amour [à la] communauté [atikamekw de Manawan], mais aussi un portrait sans complaisance des dérives qui l’accablent. […] Souhaitons que le beau livre d’Étienne Poirier contribue à nous faire mieux connaître nos concitoyens atikamekws, au développement d’une solidarité lanaudoise qui n’exclut personne. » (Louis Cornellier)

Journal La Frontière, 7 janvier 2011.

Communiqué de presse
Prix Québec/Wallonie-Bruxelles, 2011, annonce des finalistes.

La malédiction de Carcajou
Critique
Lurelu, printemps 2013
Entrevue
SOCAM, 2013

Qu'est-ce qui fait courir Mamadi?
Critiques
Ricochet, 2014
Lurelu, printemps-été 2015
Émission de radio "Les bouquins d'abord" du 11 décembre 2017
Sophielit
Communiqués de presse
Annonce des finalistes pour le Prix jeunesse des libraires du Québec, 2014
Prix des nouvelles voix de la littérature, 2014
Entrevues
Les libraires, 2014

Malédictions au manoir, 7 histoires à dormir debout
Critique
Ici Radio-Canada, première chaîne, 25 novembre 2014, Plus on est de fous plus on lit.

Niska
Critiques
Démarche des premiers quartiers
Lurelu, no39, volume 3
Émission de radio "Les bouquins d'abord" du 11 décembre 2017
Recension
http://www.citeboomers.com/la-journee-nationale-des-peuples-autochtones-le-21-juin-prochain-promet/
À go on lit!
Entrevue
Culture club, ICI Radio-canada Première, 25 mars 2018
49th Shelf, 2017
Socam, 2016, émission Place aux artistes
Radio-Canada, https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1106361/etienne-poirier-auteur-jeunesse-je-veux-ecrire-la-vie, 2018.
Plus on est de fous plus on lit, ICI Radio-Canada Première, 20 juin 2018.
Lecture publique
Pour le compte de Sophielit, lors du SLM 2016
Café-bar le Zénob, Trois-Rivières, dans le cadre de la JMLDA 2017.
Communiqué de presse
Prix TD de littérature canadienne pour la jeunesse et l'enfance 2017, annonce des finalistes.
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Revue "Cool" de novembre 2017
Revue "Protégez-vous", cahier "Livres jeunesse", spécial cadeaux 2017

Tristan au pays des géants

Entrevues
Pauselecture.net
Publicité
Revue "Protégez-vous", cahier "Livres jeunesse", spécial cadeaux 2017

Tristan dans l'île mystérieuse

Entrevues
Culture club, ICI Radio-canada Première, 25 mars 2018
Critiques
Lurelu, automne 2018.
Recension
Sélections de Communication-Jeunesse

Tristan au stade des champions

Recension

Sélections de Communication-Jeunesse

Tristan au bal de juin

Entrevues
Facteur matinal, ICI Radio-canada Mauricie-Centre-du-Québec, 15 mai 2019

Recension
Écoutez l'Estrie
Sélections de Communication-Jeunesse

Une caravelle nommée Bourlinguette

Critique
La Presse, édition du 31 mars 2021

Le coeur en laisse

Critique
Le Journal de Montréal, édition du 30 octobre 2021


L'étrange cas Xavier Morneau

Critique
Journal Les Libraires, été 2022
Lurelu

Recension
ICI Première

mardi 10 janvier 2017

Sur le bout de la langue

Récemment, j'ai lu d'excellents livres, tous québécois, dont l'un de Sophie Bienvenu, une auteure d'origine belge.

Des livres aux récits prenants, à la narration forte et assumée, qui vous tordent les émotions et vous laissent (dans ce vous, vous pouvez lire moi!) en état de choc, bouche bée, bref, des livres qui ébranlent.

Vous désirez en connaître les titres? Les voici:

  1. Chercher Sam, de Sophie Bienvenue;
  2. Le plongeur, de Stéphane Larue;
  3. Les maisons, de Fanny Britt;
  4. Royal, de Jean-Philippe Baril Guérard.
Quatre livres que j'ai adorés, donc.

Ceux et celles qui lisent ce blogue avec assiduité comprendront que je ne désire pas nécessairement faire ici de la critique littéraire. Ce qui m'intéresse, c'est la réflexion sur le travail d'écriture. 

Or voilà. Un point relie ces quatre livres. Le point de jonction de ces excellents romans, c'est la langue. Et c'est là-dessus que j'aimerais réfléchir. Pour moi.

Dans chacun de ces livres, on trouve, à des degrés divers, une langue très actuelle, très vint-et-unième siècle, très blogue, très Montréal, très stuffée de mots anglais. J'imagine que c'est parce que c'est trendy, presque glamour. En tout cas, c'est clairement fashion.

Guess what? Dans les années 60 on a réinventé la langue au Québec et ç'a fait freaker un paquet de vieux creepy dans les collèges classiques. On s'affranchissait de l'élitisme old school et des Jesus freaks qui nous gouvernaient. On fait pareil aujourd'hui, dude!

Mais fait-on vraiment pareil aujourd'hui?

D'un point de vue social, clairement pas. Aujourd'hui, la place des francophones est acquise dans toutes les sphères et l'Église n'a plus de poids, presque plus, du moins. L'éducation est possible pour tous et, s'il reste des combats (et il en reste!), ce ne sont plus ceux des années 60, ça, c'est clair. Le joual, cette langue créolisée que le Québec a revendiquée et brandi comme un étendard, n'est plus l'arme d'affirmation qu'il a jadis été. 

En 60, c'était politique. Aujourd'hui, ce ne l'est plus.

Le franglais employé dans la littérature me gêne. Et c'est bien personnel. J'ai du mal à voir autre chose qu'un appauvrissement de la langue dans ce dialecte. 

En revanche, il n'empêche en rien de composer d'excellents livres, les quatre cités plus haut en témoignent.

Je sais que mon jugement, ici, en est un de valeur et que les auteurs nommés dans ce billet pourraient sans difficulté défendre leur posture ou leurs choix et me dégommer du haut de leur stature, bien plus grande que la mienne, il va sans dire. Et c'est tant mieux. Je ne voudrais pas leur imposer les miens, mes choix. 

De plus, dans une narration à la première personne (c'est le cas dans trois de livres dont il est question ici), il est normal, voire souhaitable de se rapprocher du narrateur, d'adopter son point de vue, d'expérimenter ses émotions, de parler sa langue, peu en importe le niveau, ce que nombre d'auteurs géniaux (Gary et même Molière pour ne nommer qu'eux!) ont réussi à faire avec maîtrise et succès. Celui ou celle qui souhaite une langue qui colle a la réalité a le devoir de calquer ce qui s'entend dans la rue (et dans Larue!). Et dans les rues de Montréal, on en entend, du franglais et des tournures atypiques. 

C'est un matériau.

Mais un matériau qui, bien que tout à fait justifiable, m'agace. Et je me demande pourquoi.

Peut-être est-ce le relent d'une enfance dans les années 70 et 80 (période au cours de laquelle les auteurs auxquels je me réfère n'étaient pas encore nés) passée à entendre les anglophones dédaigner la langue de mes parents qui m'influence. Il y a sans doute de ça. Il y a aussi l'amour que j'ai pour le français, ça, c'est certain. Mais il y a également quelque chose dans ma propre posture qui se heurte à celle de ces auteurs, je crois. 

Je n'éprouve pas ce besoin de coller au réel, du moins pas dans le choix de la langue. Je préfère de loin la musicalité des mots, la rythmique de la ponctuation et la force des images à celle du monde qui m'entoure (ici aussi, je pourrais non sans raison me faire remettre à ma place, si tant est que j'aie essayé d'en sortir, et j'accepte tout à fait qu'on objecte que tout ça est possible peu importe l'origine des mots choisis, et je rappelle que je suis en réflexion, pas à l'emploi de l'OLF ou de quelque ministère). 

Finalement, la langue, arme de libération des années 60 serait-elle rangée, tombée en désuétude? En 2017, ne serait-elle ni plus ni moins qu'un matériau, un médium d'expression artistique? Si c'est le cas, malgré mon agacement tout personnel, je pense que c'est tant mieux. En autant que ça donne des fucking bons livres, dude!