mardi 17 juillet 2018

"L'envol du pygargue" : un premier livre totalement assumé

J'avais donc écrit ce premier roman, "La clé de la nuit". Mais j'étais demeuré sur ma faim.

Il faut dire que, lors de mes études, j'avais acquis certaines convictions sur la pratique de l'écriture littéraire, qui vont bien au-delà du simple fait que d'écrire une histoire divertissante. Et mon premier titre me semblait à des lieues de mon idéal.

Il faut dire que je ne m'étais jamais imaginé auteur de romans d'aventure, ni même auteur pour la jeunesse!

Le livre avait été plutôt bien reçu, c'était vrai, mais je le sentais loin de moi. J'avais l'impression de ne pas m'y être investi suffisamment. Or, je suis d'avis encore aujourd'hui, que c'est dans l'investissement personnel de l'auteur que se trouve l'authenticité d'un livre. De plus, j'avais voulu donner vie à un imaginaire issu des Atikamekw en m'inspirant de la forme traditionnelle de leurs contes et de certaines des créatures qui les peuplent. Mais j'avais l'impression de n'avoir rien dit sur eux (l'un des rôles de l'auteur n'est-il pas de donner un point de vue sur le réel?). J'avais passé près de six ans à Manawan, j'y avais développé des amitiés et fait des rencontres surprenantes. Bref, j'avais la conviction de pouvoir faire mieux et, surtout, celle d'avoir beaucoup plus à dire.

Mon arrivée à Manawan avait coïncidé avec un grand mouvement de retour à la culture ancestrale, qui s'était amorcé quelques années plus tôt, du moins, c'est ce que j'ai cru comprendre. Le groupe de chanteurs Black Bears en était à sa première année, le Pow-Wow n'existait pas encore. Mais le mode de pensée traditionnel circulait librement. Bref, on sentait l'ébullition d'une forme de Révolution tranquille à la sauce autochtone. Je me sentais privilégié d'assister à une forme de renaissance populaire. Mais en même temps, je ne pouvais m'empêcher de me demander quels étaient les avantages et les limites de ce mode de pensé fort différent de la pensée linéaire et factuelle qui domine en Occident. 

Il y avait là matière à réflexion et, surtout, à exploration.

Je me suis donc mis à réfléchir à comment je pourrais faire un véritable premier roman à mon image. Un récit qui me permettrait de faire la paix avec ma vision de la littérature.

Puis, une série d'événements personnels purement anecdotiques sur lesquels je ne m'attarderai pas (j'ai un penchant pour la pudeur...) ont fait que je me suis retrouvé en arrêt de travail. Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, les épreuves semblent un moment privilégié pour faire le point se recentrer sur ce que la vie a d'essentiel.

C'est donc ce que j'ai décidé de faire : écrire.

Mais il me fallait un projet : c'est là que l'idée de "L'envol du pygargue" a surgi.

Comme La clé de la nuit ne m'avait pas satisfait, j'ai décidé de revisiter le même univers, mais avec un angle différent. Au lieu de mettre en action les personnages tirés d'une légende (imaginée par moi) qu'un grand-père racontait à ses petits enfants, j'ai décidé de retourner la chaussette et de mettre en scène les mêmes petits-enfants et le même grand-père, mais cette fois, dans leur vie de tous les jours et d'explorer, par leur entremise, l'effet de leurs croyances sur leur quotidien.

Alors je me suis mis au travail. Et c'est là que la magie a véritablement opéré. En parlant d'eux, je me suis aperçu que je parlais de moi. Et que tout dans ce livre se transformait lentement en allégorie de ma propre reconstruction. J'utilisais des légendes et je les interprétais à ma sauce, elles résonnaient en moi, je me voyais en elles. Je vivais, par l'écriture, un échange culturel profond, une sorte de prise de conscience spirituelle de mon propre rapport au monde et aux êtres (n'allez lire rien de transcendantal dans les lignes qui précèdent, je demeure une athée convaincu et très platement immanent).

J'ai écrit ce livre en trois mois environ. Le soir-même où je l'ai terminé, j'ai fait imprimer le texte et l'ai relu d'une traite. À la fin de ma lecture, je l'ai déposé sur ma table avec la conviction que je venais d'écrire quelque chose de bon. De vrai. D'éminemment authentique.

Je me sentais l'écrivain que je désirais être.

J'étais fier. Pour la première fois depuis de longs mois.

Je n'ai pas hésité une minute et je l'ai envoyé aux Éditions du soleil de minuit. Il y a été accueilli avec beaucoup d'enthousiasme. Malheureusement, ce roman que j'adore n'a pas trouvé le public qu'il méritait et c'est bien dommage.

Toutefois, deux ans après sa sortie, en 2011, il faisait la finale du prix Québec/Wallonie-Bruxelles de littérature pour la jeunesse. Pour la première fois, j'étais en lice pour un prix... international de surcroît!

Petite anecdote sur ce titre :

Au départ, ce roman initiatique s'intitulait "Le retour du pygargue". Mais quelques jours avant l'envoi à l'impression, j'ai reçu un courriel de la part de l'éditrice m'annonçant qu'un autre roman, avec le même titre et s'adressant au même groupe d'âge venait tout juste de paraître! Nous avons donc dû en modifier le titre.

Si ce livre vous intéresse, vous pouvez vous le procurer ici.


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