lundi 8 septembre 2014

De la nationalité de la littérature

Le douze août dernier a eu lieu un vaste mouvement en faveur de la littérature du Québec, de l'achat des livres des auteurs québécois devrais-je dire. L'événement, qui a largement été couvert par des médias d'ordinaire indifférents (c'est le moins qu'on puisse dire!), a eu l'effet d'une bouffée d'air frais pour la chaîne du livre d'ici. 

Tout ça est, pour le moins, positif.

Mais depuis?

Depuis, c'est le retour au silence dans les média.

D'autres événements ont été imaginés pour garder le livre au goût du jour. En effet, du 8 au 14 septembre, on invite les gens à laisser traîner des livres dans des endroits publics dans l'espoir que ceux-ci soient adoptés par de nouveaux lecteurs. 

Parmi eux, combien origineront du Québec?

En outre, une chaîne sévit sur Facebook en ce moment. Une chaîne qui demande de publier une liste de dix livres qui nous ont marqué en tant que lecteur. 

Je trouve l'exercice tout à fait charmant et j'ai bien hâte qu'on m'invite à y participer.

Or, j'ai lu un commentaire qui soulignait que trop peu de titres québécois s'y trouvaient. 

Nous y revoilà.

Encore une fois la même critique : trop peu de livres québécois s'y trouvent (combien en faudrait-il pour que ce soit acceptable?). Ce qui soulève quelques interrogations intéressantes. Parmi elles, comment définir une littérature nationale? Je me suis toujours posé cette question sans trop y trouver de réponse. 

Suffit-il qu'un livre soit écrit au Québec pour qu'il soit considéré comme un livre québécois? Dans ce cas, si l'auteur est étranger, écrit-il du québécois? Si le livre est publié au Québec par un étranger ou à l'étranger par un auteur d'ici, qu'en dit-on? S'il est écrit dans une autre langue que le français? Si l'intrigue, les personnages sont d'ailleurs? Bref, qu'est-ce qu'une littérature nationale?

Comment classer ma propre oeuvre? Deux romans dont les protagonistes sont autochtones et un troisième dont le héros est Ivoirien... Au moins, chacun se déroule (le dernier y trouve sa fin) sur le territoire géographique du Québec. Mais comment les classer sur une base ethnique?

En revanche, bon nombre de titres d'ici (surtout dans la littérature de genres, dois-je le souligner?) qu'on voudrait québécois comportent des personnages avec des noms à consonance étasunienne et se déroulent dans un environnement qui l'est tout autant. On s'y trouve, à mon sens, bien loin du sentiment d'affirmation national, mais plutôt - comment dire? - dans une sorte de pastiche de colonisé, à des lieues de ce qu'on pourrait revendiquer comme une littérature du Québec et ce en dépit du fait qu'ils soient publiés et écrits par des gens d'ici. 

Bon.

Personne n'est obligé de partager mon opinion, elle n'engage que moi et je ne revendique ni ne condamne rien ni personne. Je réfléchis. Simplement.

Ceci dit, la littérature québécoise doit-elle faire fi de ce qui se passe ailleurs et se nombriliser pour s'affirmer? Je ne le crois pas. En fait, se je me penche sur mes propres influences littéraires et sur les projets que je poursuis ou que j'ai poursuivis, je dois constater que mes références sont des plus bigarrées. Parmi les Marquez, Auster, Vian, Barrico, je trouve bien les Aquin, Ferron, Hébert et Beauchemin. Le Québec apparaît toujours dans le processus, cependant, et je me fais un point d'honneur de le mettre au coeur de mes préoccupations.

J'y ai mes racines, c'est normal.

 Mais il n'est jamais le sujet de mon texte. Du moins ce n'est pas encore arrivé. 

Malgré tout, je n'arrive toujours pas à me faire une idée sur les critères de sélection de ce qui relève d'une littérature nationale ou pas. Et je me demande si, aujourd'hui, ce débat a un sens. 

Pour moi, Rawi Hage, Wajdi Mouawad, Kim Thuy sont québécois. Je ne veux pas que ma nation se passe de leur talent, peu importe la langue dans laquelle ils écrivent, leur origine, celle de leur éditeur ou leurs opinions politiques.

En revanche, je ne peux soutenir les préjugés (positifs ou négatifs) dont fait l'objet le livre publié ici et surtout celui qui porte sur les réalités d'ici. Écrire Montréal, Trois-Rivières, Matane vaut tout autant que d'écrire New-York, Paris ou Saint-Petersbourg. La littérature est un exercice d'humanisation et l'humain est beau ou laid partout. 

Le Québec n'est ni une qualité ni un défaut. Et pour servir la littérature d'ici, il faut d'abord servir la littérature. Et l'humain. Pour ça, il faut des oeuvres de qualité. Et les promouvoir avec efficacité. Sauf qu'on le snobe dans les média et sur les tablettes de nombreux libraires. Et de nombreux lecteurs se contentent de le regarder du coin de l'oeil sans en tourner les pages. 

Pourquoi?

J'ai bien peur que le cycle soit difficile à briser, faute de super-vedettes... Tiens! Il me vient une idée qui pourrait solutionner ce dernier point : si on produisait une télé-réalité - on pourrait l'intituler La résidence - dans laquelle on montre 12 écrivains (6 hommes et 6 femmes) enfermés dans une maison à travailler et à discuter de leurs préoccupations. Sûr que le public se délecterait de les voir fixer l'écran de leur ordinateur et discuter syntaxe et narration. On produirait enfin nos propres vedettes!

Bien sûr, je rigole. Il n'y a pas de spectacle à faire avec la littérature. L'événement est contenu dans ses pages, pour peu qu'elles soient lues.

N'hésitez pas à commenter ce billet. 

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