Pour écrire, c’est simple, il suffit d’aligner les mots en
fonction de l’histoire qu’on veut raconter. Jusque là, tout le monde peut le
faire. Mais pour que le texte devienne littéraire, il doit devenir un objet
fini et unique. Et c’est là que commence le travail de l’écrivain.
On entend souvent dire que l’art d’écrire est en grande
partie celui de savoir faire disparaître le superflu. D’enlever le mot de trop,
celui qui empêche le texte de bien fonctionner, comme l’abcès qui dévisage et,
plus important encore, risque d’empoisonner – Tiens, justement, je viens d’écrire
« d’empoisonner le patient » avant de supprimer les deux derniers
mots! – : c’est écrire au bistouri. Travail de précision où ne doit
demeurer que l’essentiel.
Or, savoir manier le bistouri ne suffit pas. Pas toujours, du
moins.
Je suis à la réécriture d’un court roman (ou d’une longue
nouvelle!) intitulé provisoirement Qu'est-ce qui fait courir Mamadi? où, justement, cette méthode s’est avérée inadéquate.
Je pensais bien l’avoir fini. Je l’ai fait lire. Et la
critique s’est avérée douloureuse. Une véritable gifle. Je le voulais compact,
ce texte. Compact et efficace. J’y voyais la force du non-dit et de la justesse
des mots, il s’est avéré vide et superficiel : plein de trous à combler. Et
en le relisant à mon tour pour la énième fois, j’ai dû en toute honnêteté, me
rallier au constat de ma lectrice.
La taloche, n’est pas simplement le synonyme de baffe ou de
claque. C’est d’abord l’outil qu’utilisent le maçon et le plâtrier pour combler
les trous et aspérités des cloisons. Elle sert à étendre de fines couches de plâtre
ou de crépit afin d’obtenir une surface lice et uniforme. C’est en écoutant une
vieille entrevue avec Nabokov à la télé que m’est venue l’inspiration de cette
expression : écrire à la taloche.
Dans cette entrevue, l’auteur faisait part au journaliste,
qu’après avoir édifié la structure de ses histoires, il les relisait et
ajoutait des couches (c’est son expression!) qu’il superposait afin d’obtenir l’objet
qu’il avait réellement imaginé. Et que c’était là, pour lui, le travail le plus
important et, parfois, également le plus pénible.
Voilà où j’en suis : j’abandonne le bistouri au profit
de la taloche. J’ai des trous à combler pour que Mamadi, mon personnage, vive
enfin.
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