mardi 25 septembre 2018

Niska : le livre que je ne voulais pas faire

J'ai l'impression d'avoir tout dit sur ce livre, mais bon, puisque j'ai promis une rétrospective sur l'écriture de mes romans, je ne peux faire l'économie de celui-ci.

Rebelote!

Quand j'ai reçu le courriel de la directrice des Éditions du soleil de minuit j'ai eu un mouvement de recul. Je ne voulais plus écrire sur les Amérindiens. J'avais dit ce que j'avais à dire sur le sujet et, surtout, je redoutais d'être identifié à une thématique. être "le gars qui écrit sur les Indiens" ne m'intéressait pas, d'autant plus que je ne suis pas Autochtone!

D'un autre côté, le message était flatteur. Et c'était la première fois qu'on me passait une commande!

J'ai promis d'y penser par pure courtoisie. Mais j'y ai pensé honnêtement, par respect.

Le problème des sujet difficiles, c'est de trouver le bon angle. Pour une histoire de violence, le réflexe est, bien entendu, de montrer la violence. Mais il s'agit d'un réflexe que tout le monde aurait, ce qui est le contraire de l'originalité.

Je ne voulais pas parler de la violence ou des abus qu'ont vécu ces garçons et ces filles que le gouvernement canadien a arraché à leurs familles durant des décennies. Non.  Ce livre-là avait été déjà écrit. J'ai alors eu cette idée : l'histoire a retenu le sort des enfants, mais le drame s'est vécu aux deux bouts du spectre, les parents aussi étaient des victimes!

J'ai donc décidé de prendre l'angle d'un père de famille, rendu fou qu'on lui ait enlevé son fils unique. Je me suis dit qu'il était là, mon roman. Un père fou qui tente à tout prix de déjouer la réalité en l'appelant de toutes ses forces par une sorte de rituel vain, un appel au retour jamais entendu. Je me suis dit qu'il était là l'angle que je pouvais le mieux défendre. Puis, le temps d'une balade dans un sentier, j'ai eu une sorte de révélation : quel plus beau symbole des allers et retours que celui des oiseaux migrateurs! Le père tenterai de conjurer le sort en sculptant des bernaches en bois (je viens de dévoiler une des intrigues du roman...)!

Et tout s'est mis en place. Le nom des personnages, la structure du récit, tout!

Je ne parlerais pas de violence, mais plutôt de déchirure. Mon roman n'aurait pas de méchants, il serait l'expression d'une situation intenable que tous, malgré leur bonne foi, contribueraient à consolider.

Parce que c'est là qu'il était, le drame des pensionnats amérindiens : pas dans sa violence, mais dans sa funeste absurdité.

J'ai dit oui.

J'ai fait le livre. S'il vous intéresse, vous pouvez vous le procurer en cliquant ici.

Anecdote à propos de ce titre :

C'est tout de même ironique que ce livre que je ne voulais pas faire a fini par se faire presque tout seul!


samedi 1 septembre 2018

La naissance de Tristan

La série Tristan, au départ n'en était pas une.

J'avais été saisi en voyant mon garçon s'éloigner vers sa nouvelle école et l'image de le voir tout petit dans un monde trop grand pour lui m'était apparue. Je me suis dit qu'elle était belle, cette image, et que de jouer sur la perception qu'on peut avoir de notre environnement pourrait être chouette d'un point de vue narratif.

Le point de départ était donc mes craintes au sujet de l'adaptation de mon fils à sa nouvelle école. Par bonheur, il n'y a rencontré aucune difficulté. Toutefois, ceux qui suivent ce blogue depuis le début se rappelleront que ma principale préoccupation à écrire est l'exploration de l'être humain dans ses états limites; j'écris pour comprendre la bête que nous sommes, en somme. J'étais donc décidé à explorer comment cet enfant (qui allait devenir Tristan) pourrait vivre et, surtout vaincre ce problème à la fois simple et complexe. La clé m'est apparue assez claire (et pour tout dire, c'est plutôt évident et bien documenté!) : briser l'isolement. Un enfant seul est une victime. Il suffit de briser l'isolement pour que, déjà, le problème trouve une part de résolution. Passer de l'individu au groupe, donc.

Mon concept en était un eu sur l'image et la perception. L'image de la guilde de chevalier, comme modèle du groupe d'amis luttant contre l'adversité, s'est imposée rapidement. Il me fallait une guilde de chevaliers magiques. Et tout à coup, j'ai eu cette idée d'aller piger dans les références des romans de chevalerie et de la littérature médiévale. Le cycle arthurien et le Graal, Rabelais et ses géants, les fées.

Je tenais quelque chose.

Je me suis donc lancé.

Frénétiquement.

J'écrivais soir et matin y consacrant chaque minute de mes temps libres.

Les chevaliers se fédérant autour d'une cause, la mienne serait l'amitié. Mais il me fallait mon Graal! L'objet représentant tout ce qu'elle a de noble et détenant l'espoir ainsi que le pouvoir ultime capable de venir à bout de tous les maux! L'amitié est belle. Elle n'a pas de valeur en dehors de la pureté de sa forme. Comme les billes avec lesquelles jouent les enfants depuis... l'Antiquité! Un jouet qu'on trouve partout de nos jours, mais qui a fait partie du quotidien des enfants de toutes les époques et de toutes les parties du monde! Les billes de verre seraient mon Graal. Après tout, les billes, on les échange, on les gagne et on les perd, on les trouve belles, on s'y attache, elles n'appartiennent à aucune classe sociale et ne renferment aucune technologie. Elles sont à la portée de tous et placent tous les enfants sur le même pied. Elles ont tout ça en commun avec l'amitié: une allégorie parfaite!

Mon univers serait tout à fait réaliste (l'école, la maison, la cour) mais traité à la sauce merveilleuse du douzième siècle à travers l'imagination de mon protagoniste anonyme. Parce que, il faut bien le dire, et je trouvais important de ne pas révéler le nom de mon personnage, qui était alors Arthur, en cours de récit. Mon personnage souffrant devait finir en tant que roi! Et, j'ai toujours cru que de ne pas nommer permettait une plus grande identification de la part du lecteur.

J'ai écrit le texte et je l'ai aimé. Beaucoup, même. Je l'ai fait lire à plusieurs personnes (Magali Laurent, Diane Groulx, Jessie Chrétien), qui m'ont convaincu que "Chevaliers de la bille en verre" était digne d'intérêt.

La maison d'édition à laquelle je l'ai d'abord proposé s'est montrée très intéressée, mais pour des raisons de ligne éditoriale qui auraient affecté les noms de mes personnages, et donc mon univers de référence (le monde de l'édition est rempli de contraintes qu'il faut comprendre et respecter), j'ai décidé d'aller voir ailleurs. Pour être bref, le projet a atterri chez Dominique et compagnie.

Ils m'ont proposé d'en faire une série.

J'ai d'abord refusé. Je voyais mal comment réinvestir cet univers complexe sans me répéter.

Je garderai les raisons de mon changement d'idée pour le prochain billet sur Tristan, histoire de ne pas être trop long et d'avoir encore des choses à dire.

Si ce livre vous intéresse, vous pouvez vous le procurer en cliquant ici.

Anecdote à propos de ce titre : 

Comme je l'ai dit plus haut, le titre d'origine de ce livre était "Chevaliers de la bille en verre" et le personnage principal se prénommait Arthur. Or, Dominique et compagnie possédait (et possède toujours!) une collection à ce nom. J'étais réticent à changer le nom de mon personnage. Je tenais au côté chevalerie de mon récit et j'avais tourné le dos à un éditeur pour préserver mon concept... On a discuté, tourné le problème dans tous les sens et soudain, Agnès, la directrice littéraire responsable du projet, est arrivée avec l'idée de Tristan. Tristan aussi est un chevalier! Et c'est justement ce nouveau prénom qui m'a permis d'imaginer la suite de la série! Mais ça aussi, ça fera l'objet d'un nouveau billet.