vendredi 30 mai 2014

Quel est ce problème avec le bonheur?

Je suis un homme heureux, qu'on se le dise. J'aime ma femme ainsi que mes enfants et ceux-ci comme celle-là me le rendent bien. J'ai un tas d'intérêts divers - allant de la pêche aux arts en passant par la mycologie - et un métier qui me convient. Une carrière littéraire somme toute intéressante. Bref, je me considère choyé et heureux.

C'est dit.

Mais quel est ce problème que j'ai, dans l'écriture, avec le bonheur?

On dit qu'on n'écrit jamais que sur soi.  J'ai toujours eu coutume de rectifier : on n'écrit jamais qu'à partir de soi. Or, quand je m'installe à ma table de travail, les idées heureuses semblent fuir mon cerveau pour laisser la place à des images sombres, parfois scabreuses. Bien loin de ce que je vis au jour le jour...

Pourquoi?

Parce que la posture de l'écrivain n'a simplement rien à voir avec celle de l'homme au quotidien, il me semble. En effet, il existe une ambiance, une forme d'état narratif où l'écrivant s'installe pour produire son monde. Et s'il puise sa source au fond d'un terreau tout personnel, ce monde n'a pourtant que peu à voir - ou à, tout le moins, il n'entretien aucune nécessité corrélationnelle -  avec la réalité factuelle de celui ou celle qui écrit. Comme chacun, j'ai aussi ma part ténébreuse, mais elle n'est rien de plus que l'ombre produite par la luminosité de ma vie, ceci dit en tout humilité. Et pourtant, dans l'écriture, c'est cette ombre qui fait surface et inonde le tableau, comme dans une oeuvre de Caravage.

Un deuxième point, celui-ci vieux comme le monde, peut sans doute fournir une part d'explication. Vivre la mélancolie dans l'art répond peut-être à un besoin de préservation, une forme d'autodéfense cathartique. Peut-être ai-je cette nécessité inconsciente et perverse de me vautrer dans la misère et que l'art est mon exutoire. C'est possible. Enfin, je pense sérieusement qu'il y a là une piste de réflexion intéressante.

Tout ça est bien intéressant. Mais n'en demeure pas moins que je me surprends parfois à jalouser ceux et celles qui semblent avoir cette faciliter à faire naître en trois lignes, en quelques mots, le sourire de leurs lecteurs. Moi, je n'y arrive que difficilement.

1 commentaire:

  1. Je comprends ça, car étant d'une nature plutôt enjouée et apte au bonheur, je n'aime que les livres sombres. Ma fille me dit toujours que je choisis des livres superbes mais beaucoup trop tristes. Et quant à moi, je trouve les livres qu'elle un peu guimauve !

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